Transport de la marque secrète.

Nous savons que les Compagnons boulangers du Devoir n’utilisaient pas un pliage spécifique pour leurs passeports compagnonniques, contrairement à de nombreux Compagnonnages du Devoir.

Deux solutions ont dû se présenter progressivement à eux :  les plier selon une technique laissée à l’initiative de chacun , afin d’assurer une protection aux documents transportés, et ultérieurement les rouler pour les protéger dans un étui destiné à cet usage.

Etuis de transport et protection de la  « marque secrète » du Compagnon boulanger.
(et à partir de 1867-1868 de son levé d’acquit également) (photographie L.Bourcier)

 

Mais pourquoi passé du pliage ordinaire pour transporer le document, au tube en fer blanc de protection ?

La raison est peut être simple : Le tube de fer-blanc permet de cacheter à la cire ou même de plomber facilement le contenant, afin d’éviter toute falsification du contenu par le porteur. Le tube étant cacheté au départ de la ville par les compagnons en place et décacheté par ceux de la ville d’arrivée.

Nous pouvons émettre deux hypothèses sur la date d’apparition de ces étuis. La première se fonde sur l’observation des quelques exemplaires qui nous sont connus aujourd’hui, ils n’ont vraisemblablement pas été employés avant 1845.

Première marque secrète imprimée, de Bigourdan l’Inviolable, reçu à Bordeaux à la Saint Honoré de 1833 , dessinée par Julien Feuteulais, Rennois Sans Pareil, sa date de mise en circulation est situé entre une fourchette de 1825 à 1830. (Arch. Cayenne des CBDD de Bordeaux, Photographie F.Servant)
Ce document est signé de Vannois la Belle Conduite, Premier En Ville,  Percheron la Victoire, Second En Ville et Berry le Bien Aimé, Rouleur.

En effet, 1845 est la date approximative de l’apparition de la nouvelle marque secrète grand format, dessinée par Parisien la Prudence (elle succède à celle de Rennois Sans Pareil, qui elle, est de petit format).

Ces étuis correspondent à la longueur de ce nouveau document mais auraient été bien trop grands pour la marque secrète antérieure.

Marque secrète de Jean Baptiste JEAN PIERRE, Gascon l’Aimable, reçu à Bordeaux à la Toussaint 1841, dessinée par  Charles Clovis GARDIEN, Parisien la prudence, mise en circulation vers 1845. Cette Marque secrète est datée de 1841, mais a été remise ulterieurement, vers 1851/1852, afin de remplacer l’ancienne, peut être usagée. Ce document est signé de Jacques DUPONT, Languedoc la Constance, Premier En Ville ; Francois Michel Joseph LEBON, Rénnois la Sagesse, Second En Ville et de Célestin RIBERGENE, Périgord Laurier d’Amour, Rouleur. (Arch. Cayenne des CBDD de Bordeaux, Photographie F.Servant)

Bien sûr, cela ne signifie pas que les compagnons boulangers n’utilisaient pas des étuis de plus petite taille de 1810 à 1845 pour transporter leurs documents, mais malheureusement, à ce jour, aucun élément matériel ne nous permet de l’affirmer. Il sera sans doute difficile de découvrir des étuis antérieurs, leur ancienneté, la banalité de la matière avec laquelle ils sont composés, et de leur forme, l’ignorance de leur usage et la confusion avec les étuis identiques mais à usages militaires, s’ils ne comportent aucun signe extérieur, risquent de les condamner à rester dans l’oubli ou à être détruits.

En effet, il ne faut surtout pas penser que les Compagnons boulangers sont à l’origine de la fabrication de ces tubes de fer-blanc, c’est tubes en fer-blanc sont utilises au 19 ème siècle par les armées françaises pour protéger le congé remis au soldat démobilisé ou lorsqu’il était en service, à protéger sa feuille de route.

En 1914, ils sont utilisés pour les transports de message d’un point à un autres des tranchées, ou pour communiquer entre les tranchées et l’arrière.

Carte postale éditée par Anatole FOUGERES, Saintonge le Flambeau du Devoir, intitulée « La remise des P. : » (la remise des pièces), les pièces étant les documents compagnonniques de chaque compagnons. Le Compagnon de droite, debout, est l’arrivant, il tient le tube de fer blanc contenant sa marque secrète et son levé d’acquit aux trois compagnons constituant le bureau de la ville d’accueil, le Premier en ville, le Second en ville et le Rouleur. (Coll. A Boucheres)

La seconde hypothèse concernant la période de mise en service de ce tube est qu’elle serait  liée à la date de mise en place par les Compagnons boulangers d’un nouveau document compagnonnique dessiné par Jean-Baptiste ENTRAYGUES, Limousin Bon Courage : le levé d’acquit. (Ci-dessous)

 

Il apparaît vers 1867-1868.

A partir de cette période, étant donné l’emploi de deux documents (la marque secrète et le levé d’acquit, ce dernier étant constitué d’un papier très fragile), il s’avère peut être nécessaire de les protéger ensemble de façon plus efficace. Comment ? Par l’étui en fer-blanc des armées, nécessairement connu et utilisé par les nombreux boulangers ayant servi dans l’infanterie…

Tube de transport de message à usage militaire 1WW (Coll. Sébillon).

Voilà un exemple de l’emploi d’un objet à usage identique, au sein de deux groupes d’individus différents : les compagnons boulangers, jusque dans les années 1930, et les Armées au moins jusqu’à la Grande Guerre 1914-1918.

Laurent Bourcier, Picard la Fidélité, C.P.R.F.A.D.

Commentaires concernant : "Transport de la marque secrète." (3)

  1. KECK Véronique a écrit:

    Messieurs,

    En rangeant mon atelier, j’ai trouvé un étui en métal avec un sceau comme sur vos images.
    J’aimerai bien vous entendre à ce sujet : cet objet a attisé notre curiosité.

    Merci de votre attention.

    Véronique KECK

    • Laurent Bourcier a écrit:

      Madame Keck bonjour,

      Vous pouvez si vous le souhaitez nous envoyer une photographie de cet objet a laurentbourcier@mail.ru afin que nous puissions echanger a son sujet.
      Cordialement.
      L Bourcier

  2. Boucherès Alain Agenais la Tolérance CBRFAD a écrit:

    Excellentte présentation de ces tubes en fer blanc, qui ont servit d’étui afin de préserver les 2 pièces rigoureusement secrètes pour tous les Compagnons Boulangers du Devoir, et qui étaient en même temps un gage trés précieux pour ces tous ces braves OUVRIERS qui voyageaient la France!
    Merci Picard pour tous ces détails!
    Je n’avais jamais lu un tel document sur ce sujet tellement ordinaire! Tu y as pensé…tu l’as fait!!! C’est trés bien!

    Il me vient à l’esprit un triste souvenir: un jour qu’il fallait mettre de l’ordre à la Cayenne de Paris, un Compagnon (par respect, je lui attribut encore le mot de Compagnon) il en jetta peut-être 50 dans une benne placée dans la cour du Siège de Paris! Vide bien-sur… mais tout de même! Quel acte insensé !

    Agenais la Tolérance
    CBRFAD

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