Pain Penicillium Roqueforti.

Quand le pain et le lait s’unissent pour créer une légende.
De GÉRARD MENTOR

A la demande d’un compagnon boulanger du Devoir RFAD, je vais vous parler ici de bouleversement géologique, de fleurines, de fromage, de pain, bien sûr. Mais surtout. Surtout. De MAGIE et d’une pointe de légende ! De cette magie de la nature qui conduit à la naissance du roi des fromages ainsi qu’à la légende de sa création.

On voit très bien ici, l’effondrement qui a donné lieu à la naissance des fleurines…

Ainsi donc, remontons un peu le temps pour nous retrouver à l’époque du « plio-quaternaire » (fin du pliocène, début du quaternaire). A cette époque, l’activité volcanique fait rage dans les montagnes d’Auvergne et au sud du massif central, dans la région actuelle des grands causses. Des cheminées basaltiques traversent les plateaux marneux et calcaires des causses du Larzac, Méjean, noir, rouge (la terre y est aussi rouge que des briques) et, bien sûr du plateau du Combalou. Les cheminées ainsi formées par la remontée de la lave, créent des fissures béantes au beau milieu des causses et fragilisent ainsi les plateaux calcaires (karstiques) qui les forment. C’est alors que bientôt, la géologie va offrir un terrain de jeu idéal à la magie naturelle. Le plateau du Combalou va se fracturer au dessus de la vallée du Soulzon et glisser lentement vers le bas, créant ainsi ce qu’on appelle aujourd’hui des fleurines. Cheminées naturelles qui permettent la ventilation et le maintient d’une température et d’une hygrométrie constantes dans les grottes qui se formeront bientôt. Voilà pour l’histoire. Parlons maintenant de magie.

Illustration de l’effondrement du Combalou qui s’est produit il y a environ 1 à 3 millions d’années.

De cette magie qui, à un moment donné permet de goûter les délices que nous réserve une nature inventive et préservée par des hommes soucieux d’en goûter tous les bienfaits et de les partager avec les autres. Je veux parler de la magie du roi des fromages : LE ROQUEFORT !

Un peu de légende, d’abord. On raconte qu’un berger, plus soucieux de courir le jupon que de surveiller son troupeau, vit un jour passer une fille si belle qu’il décida de la suivre à travers les causses. Abandonnant son repas constitué d’un peu de fromage de brebis et de pain de seigle. N’ayant jamais réussi dans sa course folle, à rattraper la belle, il revint, plus tard à la grotte qui l’abritait et découvrit que, le pain ayant moisi, il avait ensemencé son fromage de veinures bleu/vert et lui avait donné un goût tellement particulier et agréable qu’il décida d’en commencer la production sur les lieux mêmes où il avait abandonné son précédent repas. Ce fromage devint le fromage préféré de Charlemagne et des papes ! Rien que ça.

La zone d’affinage du Roquefort (jugement de 1961)

Le village s’appelle Roquefort sur Soulzon. Sa situation géographique le rend unique et l’AOP dont bénéficie maintenant le fromage, oblige ses fabricants à ne collecter le lait que dans un périmètre bien défini et à le mener à maturation uniquement sur ce petit morceau de causse qu’est le reste du plateau du Combalou (2km de long sur 300m de large). Quand la légende rejoint la réalité, il ne reste plus qu’à associer un autre métier, un art, sans aucun doute à celui de fromager… Le métier de BOULANGER.

Les pains de seigle préparés chaque année à la même époque et qui, à la faveur du chagement de lune, donneront le Pennicilium Roqueforti… (Crédit photo Papillon)

Mais il s’agit ici d’un boulanger un peu particulier. Sans doute le seul boulanger payé pour brûler ses pains !

Les pains de seigle « brulés » sont prêts à être ensemencés par la souche de Pennicilium Roqueforti Papillon. (Crédit photo Papillon)

En effet, chaque année au mois de septembre, ledit boulanger vient dans la boulangerie des caves de Papillon (les seules à Roquefort à disposer de leur propre four de boulangerie) et y prépare 300 pains de seigle qu’il va faire cuire tellement fort (le four est tout de même chauffé à quelques 800°) qu’en fait de pain, le fromager va se retrouver en possession de 300 blocs de pierre noire dont la croûte est tellement dure qu’elle conserve toute l’humidité de la mie et permet ainsi l’ensemencement de celle-ci avec le désormais célèbre « Penicillium Roqueforti » cette moisissure qui, une fois qu’elle s’est développée, sera récoltée et conservée précieusement afin d’en saupoudrer les « pains de fromage » de brebis créés à partir du caillé. Lui-même réalisé uniquement avec du lait cru de brebis récolté dans le périmètre de l’AOP.

La magie a opéré ! La récolte de la précieuse moisissure peut commencer ! (Photo Claude Douay Alias Gérard Mentor)

Messieurs les boulangers, vous êtes des magiciens ! Vos levures qui, en se développant, font lever le pain, permettent, si on les laisse moisir, de créer le plus merveilleux des fromages ! Une gourmandise qu’on peut ainsi déguster à longueur d’année et qui ravit les papilles les plus blasées ! Cette magie s’appelle « Roquefort » et vos pains de seigle lui donnent vie ! La couleur caractéristique de ces veinures vertes et le goût fort mais délicat à la fois nous enchantent le palais chaque fois que nous le dégustons ! Et pour le déguster, quoi de meilleur qu’une belle tranche de… Pain de seigle. Mais cette fois, réalisé par un artisan boulanger dans les ruelles de ce si beau village et d’où nous vient ce si merveilleux fromage.

D’un pain brûlé, tirer une telle merveille, il n’y a que la magie pour nous offrir ça ! Et le talent d’un boulanger un peu particulier !(Photo Claude Douay Alias Gérard Mentor)

Cette bouteille contient de l’or ! Et aussi notre plaisir gustatif ! (Photo Claude Douay Alias Gérard Mentor)

A déguster sans modération ! Sur une belle tranche de… Pain de seigle légèrement grillé 😉 (Crédit photo : Papillon)

Je vous tire mon chapeau à vous bergers, producteurs de lait, fromagers, boulangers pour ces associations divines que vous nous offrez et que vous-vous transmettez au travers des âges ! Pour notre plus grand plaisir !

 

Claude Douay (Alias Gérard Mentor)

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