Les noms du blé

Le blé, voilà un nom mal défini et finalement confus. C’est quoi du blé, on s’en sert pour le pain, les pâtes italiennes, mais est-ce le même, il porte pourtant un nom identique, le blé. Le froment, le blé tendre, le blé dur, le blé sauvage et celui qui ne l’est pas ( le cultivé )…

Plus pointu et déjà dans les espèces ; l’épeautre petit ou grand, tout cela pour aboutir au même nom latin triticum !
Mais là, n’oublions de mettre deux noms (genre suivi de l’espèce) pour différencier, le triticum aestivum pour blé tendre ou froment, triticum durum pour le blé dur. Avec le souci d’être compris par l’agriculteur (celui qui sème et choisi le type de graines à cultiver), la différenciation ne s’opère pas par la langue de la recherche, le latin.
Là sur le terrain, c’est souvent par le visuel que l’on différencie.

Il est barbu ou pas votre blé ?

Il est vêtu ou pas votre blé ?

Autrement dit il se décortique presque automatiquement ou non ?

Il a une enveloppe tirant vers le brun/rouge (roux) ou blanc/crème ?

Il se sème en automne ou plus tard au printemps ?

Et encore ces expressions sont celles employées aujourd’hui, avant on parlait de blé d’hiver (il doit subir un gel pour germer) et de blé de mars. On employait même l’expression «marsage» pour déterminer ce type de semis s’effectuant au mois de mars souvent pour résoudre la perte par un gel trop puissant de l’ensemencement effectué avant l’hiver.
Ce blé de mars n’a pas besoin de subir un gel pour donner un épi, sa croissance joue plus sur la luminosité (référez-vous au soleil de minuit du pôle Nord et la longue journée du Nord de l’Europe en été, pour mieux comprendre).
Certaines régions de Russie ou comme le Canada et le Nord des États-Unis ont des périodes sans gel puissant tellement courtes qu’ils ne savent semer que du blé de printemps et il leur arrive même de réaliser leur moisson sous les premiers flocons de neige.

Aujourd’hui on a d’autres éléments grâce aux sciences ; la palynologie = étude des pollens des couches terrestres inférieures, biochimie organique qui développe des connaissances plus approfondies sur le matériel génétique (les chromosomes et ses mutations naturels) et physique par l’étude des teneurs en éléments radioactifs qui perdent une demi-vie parfois par centaines d’années et son décompte qui détermine l’âge.
Avec ces évolutions scientifiques les classements botaniques vont changer souvent au gré de l’amélioration analytique.
Le sarrasin autrefois déterminé comme céréale et appelé «fromentum saracenicum» sera déclassé et rangé dans la famille des polygonacées avec les renoués, oseille et rhubarbe.

A une époque un peu lointaine dans le temps, le blé est donc du blanc ou du rouge, barbu ou raz, de printemps ou d’hiver. Les États-Unis d’Amérique ont d’ailleurs gardé un peu de ces termes puisque leur blé s’appellent suivant la couleur et l’époque des semailles.
Mais là encore problème, puisque les Américains vont ajouter à ces deux descriptions un degré différent de friabilité du blé tendre, il sera soit «hard» résistant à la mouture soit «soft» friable à la mouture.
Jean-Paul CHARVET, économiste et spécialiste des céréales écrit ; « Une erreur monumentale, mais qui hélas assez fréquemment commise, y compris dans d’excellents dictionnaires consiste à traduire l’expression anglaise « hard wheat » par blé dur. Blé dur se dit « durum wheat » et, au moins en Amérique du Nord, on distingue des blés durs qui sont plus ou moins « hard » ; … En fait l’adjectif « hard » fait référence à la teneur en protéines. »
En fait, il faut plutôt dire que la teneur en protéines est corollaire à cette dureté.

Pour vous dire combien la confusion peut s’installer prenons l’exemple de l’expression «korn/corn» qui se traduit de l’allemand ou de l’anglais tantôt par grain tantôt par blé.
Le «corn-flakes» est au départ des flocons d’avoine, le «pop-corn» vient du maïs «sauté».
Autrefois, pour l’anglais le corn c’était le froment, pour l’écossais, c’était l’avoine.
Toujours un peu dans un passé, pourtant pas si lointain, pour le suisse montagnard, le belge ardennais, et l’allemand de Franconie ou de Souabe, le blé ou le korn, c’est l’épeautre, un blé barbu ou pas, mais surtout un blé vêtu.

Après la guerre 1940-45, le plan de redéploiement économique des États-Unis appelé « plan Marshall » propose dans un premier une aide alimentaire. Les responsables allemands demandent du «korn» en pensant seigle, ils reçoivent du «corn» américain, c’est-à-dire du maïs a ne savoir qu’en faire. Il a fallu publier des recettes en allemand pour accommoder ce gros grain jaune.

Pour en savoir un plus sur les blés, lisez ici : Les familles de blé.

Marc Dewalque.

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