Leçon d’un instituteur à ses élèves

Extrait de « Histoire de la Grande Guerre par un français« .
Avec  une belle insouciance, la France, pendant la première année de guerre, avait dédaigné de se rationner, comme le faisait l’ennemi bloqué. Nous avions la mer libre et nous pouvions recevoir d’Amérique le blé qui nous manquait. Mais lorsque l’Amérique fut entrée dans le conflit, quand il fut nécessaire d’employer les navires à transporter des troupes et des canons, le blé se fit rare et le pain devint une denrée de luxe.

 

Panneau à l’entrée des cuisines de la Manutention militaire de Montereau,  recommandations faites aux soldats et aux civils.

Alors s’organisa en France une campagne pour faire ensemencer en blé toutes les terres aptes à cette culture, et pour obtenir de la bonne volonté de chacun que le pain fût économisé. La carte de pain s’imposa et fut acceptée avec bonne humeur. Les enfants comprirent ce qu’ils n’avaient fait qu’entrevoir jusqu’alors, que le pain est un objet sacré.

Jeton de pain pour les épouses de soldats mobilisés

Les journaux de l’époque ont cité ce fragment d’une leçon qu’un instituteur rural faisait à ses élèves, au mois d’octobre 1917.
« Mes enfants, quand vous venez en classe, le matin, vous voyez des hommes qui parcourent les champs, un sac en bandoulière et qui jettent à poignées des grains de blé à travers les sillons. Autant que les soldats de la tranchée, ceux-là préparent la victoire future. Le blé qu’ils sèment, germera  et, l’an prochain, nous aurons du pain pour l’armée et pour le pays. S’ils se décourageaient, s’ils se laissaient gagner par la paresse, nous mourrions de faim ; leur geste nous nourrit et nous sauve. Il vous faut les saluer avec respect et leur vouer une reconnaissance profonde.


Mais quel que soit leur travail, nous n’aurons pas en France assez de blé pour que chacun ait du pain à discrétion. Il faut donc commencer dès maintenant à économiser le pain. Que chacun se contente de la ration que la loi lui assure et surtout que personne ne gaspille une miette. Laisser tomber un morceau de pain, le donner aux animaux ou le jeter, c’est un crime.

Celui qui se rend coupable de ce crime trahit son pays et devient l’auxiliaire de l’ennemi. Si vous cherchiez parmi toutes les vilenies que les enfants peuvent commettre, quelle est celle qui fait le plus plaisir aux Allemands, soyez sûr que c’est celle-là: gaspiller le pain.


Le pain est sacré puisqu’il entretient notre vie, puisqu’il a tant coûté de travail et de sueurs, puisqu’il sera l’instrument de la victoire ; ne le touchez donc qu’avec un respect religieux et utilisez-le jusqu’à la moindre parcelle
. »
Laurent Bourcier, Picard la Fidélité, C.P.R.F.A.D.

Commentaires concernant : "Leçon d’un instituteur à ses élèves" (1)

  1. Jérôme Hardy a écrit:

    Bonjour, il est important de promouvoir les choses du passé et vous le faite très bien. Je vous en félicite. Je suis à la recherche de documents sur la manutention militaire de Montereau. Vous pouvez peut-être m’aider à constituer des archives sur le sujet. Je vous remercie par avance. Excellente journée à vous. Bien cordialement.

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