La sortie des oubliettes du levain 2/2

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Durant les années 1930, une recherche de pureté et une reconnaissance des progrès de la science microbiologique, va jusqu’à dénigrer le levain.

Le levain, 200 ans aux oubliettes

Cet article repris d’un revue médicale se trouve en 1937 dans le Bulletin des anciens élèves de l’école de Meunerie (devenu « Industries des Céréales » aujourd’hui) et est signé par le docteur MARCHOUX, éminent chercheur par ailleurs.

Ce texte donne le ton de l’époque, Robert GEOFFROY auteur de « Le blé, la farine, le pain », ouvrage de 350 pages en 1939, écrira dans la même revue en 1937, qu’il s’associe aux conclusions du docteur MARCHOUX que la « fermentation doit être conduite avec le maximum de pureté ».

Edouard de POMIANE dans « Conserves familiales et microbie alimentaire » en 1943 écrit (p.10) qu’il faut « tantôt lutter contre les microbes, tantôt les employer à bon escient », puis (p.25) déclare que pour « les connaissances humaines », « on peut les classer dans le cours des siècles en deux périodes: Avant Pasteur, Après Pasteur ».

Avant Pasteur, on devenait « adulte », après « adulte et vacciné ».

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C’est le professeur Raymond CALVEL qui redonne un extrait plus fouillé sur le levain, là où les manuels ne le présentait plus qu’en deux lignes ou petit chapitre pas assez explicatif du procédé.

En l’an 1980, le professeur honoraire de l’école de meunerie donne en plusieurs parties dans la revue « Le Boulanger-Pâtissier », une quinzaine de pages bien détaillée.

Il relève; « Toutefois, l’évolution qui avait précédé les années 40 allait rapidement s’amplifier les années 50…..Et puis à la fin des années 50, l’apparition du pétrissage rapide, du pétrissage intensifié, allait provoquer encore de nouvelles évolutions. »

En Allemagne, en 1982, W. SEIBEL écrit dans l’introduction du premier Manuel du levain. « Si le levain a retenu l’attention des chercheurs en biologie et en chimie – surtout depuis le début du siècle , c’est en raison de l’importance capitale du levain dans le traitement de la farine de seigle et de la farine complète de seigle, c’est-à-dire la panification de pain de seigle. »

Il faut en effet acidifier les panifications de seigle pour calmer leurs trop grandes activités enzymatiques.

On est en Allemagne et dans un pays de seigle.

C’est pourquoi le directeur de l’institut allemand de technologie boulangère déclare; « le levain fait face à de nouvelles demandes suite à la progression de la mécanisation et de la rationalisation du procédé d’élaboration de la pâte. Celles-ci exigent de considérer plus que jamais la fermentation du levain du point de vue de la microbiologie technique. ».

Le microbiologiste Gottfried SPICHER qui écrit les 5 premières éditions de ce Handbuch Sauerteig (Manuel du levain), lui s’étonne en ces termes « Maintes études ont été écrites sur les bactéries lactiques et la fermentation lactique, et pourtant, on ne retrouve que de façon marginale de manière réitérée, la mention de la grande importance des bactéries lactiques dans la préparation du pain et autres pâtisseries.

Cela surprend d’autant plus que la fermentation du levain est un processus qui dans la préparation d’aliments intervient avec une fréquence et une fiabilité sans pareilles. »

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En 1994, un fermenteur à levain reçoit le prix à l’innovation à Europain, trois ans plus tard c’est un starter de levain qui reçoit ce même prix.

Innovation où rétro-innovation comme l’appelait Lionel POILÂNE dès 1981 dans le Guide de l’amateur du pain ?

En 1988, Bernard ONNO, microbiologiste à l’ENITIAA (actuellement: ONIRIS) publie ces premières approches scientifiques sur le levain dans la revue « Industries des céréales ».

En 1993 Le même récidive en sous titrant « Technologie actuelle et à venir ».

Deux ans après, en 1995, le sous titre est « un savoir-faire oublié, une fermentation mixte à redécouvrir », « Le levain est peut-être en phase de retrouver ces lettres de noblesse » écrit-il dans l’introduction.

Dans un encart de cet article, Philippe ROUSSEL veut défendre l’appellation « levain naturel », puisqu’en 1993, le levain a connu sa première définition légiférée avec le décret pain qui acceptait l’emploi des starters et l’ajout au pétrissage de 0,2% de levure.

Bernard ONNO et Philippe ROUSSEL prenne la part boulangère du double volume consacré dans Bactéries lactiques, éd. Lorica en 1994. Dans le tome II, Technologie & Microbiologie de la panification au levain, fait 28 pages très approfondies.

Et dans le grand ouvrage de base scientifique, La panification française, éd. Lavoisier 1994, Bernard ONNO encore, couvre le thème du levain.

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Le Handbuch Sauerteig sort en 2006 la sixième édition, toujours en allemand, elle est complètement revue.

En 2013 c’est en anglais que sort un autre livre, le Handbook on Sourdough Biotechnology – Manuel de la biotechnologie du levain.

Disons surtout, que sur le terrain, la panification au levain fera le succès de pas mal de bonnes boulangeries et ces succès feront plus que du bouche à oreille.

Le levain, lorsqu’il est bien conduit, sera reconnu dans les avantages qu’il procure.

C’est maintenant vérifié au niveau nutritionnel (voir tableau ci-dessous) et technique (aide sur la structure, action fongique, etc…).

Ce que nous donnons aujourd’hui avec quelques illustrations graphiques de l’article.

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Il recevra enfin le 12 août 2013 par le Répertoire national des certifications professionnels une agréation de diplôme de formation valorisante de niveau IV, (code NSF 221) qui recouvre entre-autres la maîtrise du levain naturel.

Et ce n’est pas fini, du 30 septembre au 2 octobre 2015, sera organisé la première fois en France, à Nantes, le sixième symposium du levain .

Terminons par un autre passage prémonitoire du Parfait Boulanger, d’Antoine A. PARMENTIER en 1778, qui écrivait, p.338 « Quoique je sois dans la certitude que la levure fasse rarement du bon pain… quoique mes raisons soit fondées (de l’aveu de quelques boulangers éclairés par l’expérience), je n’ose me flatter de faire revenir les esprits prévenus à ce sujet : mais n’importe, les vérités utiles doivent toujours être présentées ; il vient un temps où les nuages qui les couvrent se dissipent ».

Marc Dewalque
Artisan boulanger et administrateur de Boulangerie.Net

Commentaires concernant : "La sortie des oubliettes du levain 2/2" (1)

  1. matson a écrit:

    Bonsoir

    Je souhaite vous poser la question suivante. Quel serait la différence entre un levain de 2 ans et un levain de 10 ans ? Dans les mêmes conditions d’obtention.
    Merci à vous

    Matson

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