Jean-baptiste Entraygues

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 Jean-Baptiste ENTRAYGUES, Limousin bon courage.

Originaire du Rouergue, la famille ENTRAYGUES vient se fixer dans  la région de Brive-la-Gaillarde au XVI ème siècle. Antoine ENTRAYGUES est Tisserant de profession, son épouse Jeanne, (née GARROUX) donne, à  Collonges la Rouge le 26 juillet 1827, naissance à  un fils nommé Martin, puis à  Brive, le 19 octobre 1829, à un second fils nommé Jean et un troisième nommé Antoine né le 7 février 1834. Les enfants sont élevés dans le commerce de leurs parents.

En 1840, Antoine ENTRAYGUES, fonde à Brive un important commerce d’huile de noix, produit par les moulins de la région, destinées aux métiers à tisser de Clermont-Ferrand et Saint-Étienne. Les huiles sont livrées dans ces villes par les voitures de l’entreprise Entraygues elle-même. Puis un commerce important de noix à pâtisserie voit le jour, ce sont les noix « Marbeau » et « Lalande » qui sont expédiées sur Bordeaux, Nantes, Sette, Marseille, Paris ainsi qu’outre-mer. La maison Entraygues est également entrepositaire des tissus du Midi, en particulier ceux de la Maison Carcenac de Rhodez, elle vend des truffes, de la cire, des peaux de chevreau, du grain, farine, etc.

Le jeune Jean épouse la profession de boulanger, et ayant à peine dix-sept ans, part sur le tour de France en 1846. Admis aspirant le 2 septembre 1847 à Bordeaux, il est reçu Compagnon boulanger du Devoir, à l’âge de 19 ans, par les Compagnons de La Rochelle le jour de la Toussaint 1848, sous le noble nom de Limousin bon courage.

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Pomme de canne de Limousin bon courage, gravure réalisée 15 ans après sa réception, vers 1863.

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Livre de réception de la Cayenne de Montpellier, ENTRAYGUES J.Baptiste, 4e ligne.

À la suite de la révolution de 1848, la maison Entraygues fonde aux Halles un établissement spécialisé dans la vente de truffes, foies gras, cèpes et autres produits régionaux de haute qualité, préparés et expédiés par la maison de Brive.

Cet établissement parisien est sous la direction d’Antoine ENTRAYGUES père, qui est surement assisté de son fils Martin, l’ainé de la famille, que nous connaissons en 1863 comme marchand de comestibles en gros, installé rue des Prouvaires, dans le quartier des Halles. A noté que le troisième fils, Antoine ENTRAYGUES est également sur Paris, marchand de légumes.

En 1849, le sort désigne Limousin Bon Courage pour servir sous les drapeaux, il est incorporé aux 6 régiments de ligne à Metz, pour une durée de 4 ans, alors qu’à cette époque la loi impose sept années de service. Il « acheta » sa libération, se faisant remplacer en échange de difficiles économies… Nous n’avons qu’une seule information concernant cette période sous les drapeaux, il est affecté auxiliaire aux manutentions militaires. Une étude des opérations du 6e régiment de ligne à cette époque nous fait supposer qu’en décembre 1851, il participe dans le Var à la répression de l’insurrection républicaine contre le coup d’État du 2 décembre 1851. Nous savons uniquement qu’ « il fait campagne » c’est-à-dire participé à des opérations de guerre ou d’ordre.

Lors de sa libération, Limousin Bon Courage rejoint la capital ou se trouve parents et frères.

En 1855, Limousin Bon Courage est Premier en Ville de la Cayenne de Paris, il propose à sa corporation, d’inviter  le jour de la Saint Honoré, tous les corps d’état compagnonniques, proposition acceptée et appliquée. L’exemple est donné, et cette innovation compagnonnique sera suivie par les Compagnons Étrangers tailleurs de pierre, les tondeurs du Devoir, les chamoiseurs du Devoir. Il est à noté qu’à ce jour, les écrits concernant cette Saint Honoré de 1855, sont les plus anciennes traces concernant la pratique de la chaine d’alliance dans les Compagnonnages.

Le 10 juin 1860, dans le journal “L’Espérance”, Limousin Bon Courage proteste contre les placeurs, le « pole-emploi » privé et payant de l’époque (Les Ouvriers de Paris, alimentation, de Pierre Vinçart, -14 Bd Sébastopol- 1863) :

« Notre position présente n’est pas des plus belles, étant toujours précaire à Paris ; en province l’on est beaucoup mieux comparativement ; nous payons d’après le règlement, 10 francs à un placeur pour nous faire embaucher, et ces 10 francs sont exigibles quinze jours après que l’on est en boutique. Beaucoup d’ouvriers se plaignent des abus et désireraient être régis par eux-mêmes, ou par l’autorité municipale locale, comme en 1844, où remettre en vigueur le tarif de 1848, qui a été aboli. Quand un ouvrier quitte un bureau de placement, le placeur de l’autre bureau où il s’adresse s’informe généralement auprès de son collègue si l’ouvrier a payé son dernier embauchage et, s’il n’a pas payé, il ne peut avoir de travail.

Pour les journées, les placeurs prélèvent, pour cinq jours deux francs, pour huit jours 4 francs, et si l’ouvrier arrive à rester quinze jours, il est considéré comme embauché et doit alors dix francs.
 Pour les compagnons et aspirants boulangers du Devoir, ils sont forcés d’aller chez les placeurs pour avoir du travail, car chez la mère ils ne pourraient s’en procurer, la société n’étant pas autorisée à cet effet ».

Dans le même article, au sujet de l’hygiène :

« C’est une habitude prise que de suspecter la propreté  des ouvriers boulangers. Cependant il n y a généralement pas lieu. Quelques fois l’on jette les hauts cris pour quelques ficelles, quelques pauvres grillons du four, trouvés dans le pain, choses qui peuvent arriver, même avec des soins attentifs. En ratissant le pétrin quelques fois aussi on enlève avec le coup de pâte dans les coins (les pétrins n’étant pas neufs), un peu de vielle pâte noirâtre ou jaune : c’est désagréable, il est vrai, comme pour nous de suer sang et eau ; mais l’on ne peut rien faire a cela, c’est un inconvénient de la profession, laquelle n’est pas des plus agréable, croyez le bien. »

Dans la seconde édition de « Questions vitales sur le compagnonnage et la classe ouvrière »-1863- par A. PERDIGUIER, Avignonnais la Vertu ; nous est relaté ce fait (page 44) :
« À Paris, les compagnons de tous les métiers, de tous les Devoirs, se font des invitations mutuelles, et les jours de leurs fêtes patronales, ils dansent ensemble et chantent a l’unisson. C’est un triomphe pour la fraternité. Félicitons les boulangers, les chamoiseurs, les couvreurs, les tailleurs de pierre Étrangers ; à eux la gloire des premières invitations a tous les corps ( Limousin bon Courage -Entraygues-, homme intelligent, actif, hardi, dévoue, a beaucoup fait pour les invitations dont je parle ci-dessus. Il était le premier en Ville des Compagnons boulangers au moment où ce corps en prit l’initiative. Je sais pour ma part, ce qu’on lui doit d’éloges et de reconnaissances… »

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« Le livre du Compagnonnage» ayant appartenu ) Limousin bon Courage. (Collection privée)

Limousin bon courage occupa toutes les charges de la société, rouleur, second en ville, premier en ville, secrétaire, membre du conseil national, et plusieurs fois délégué sur le tour de France, des fois au péril de sa vie, alors qu’il a que 27 ans, il participe activement aux démarches particulières, entre 1854 et 1861 pour faire reconnaitre les Compagnons boulangers par les différents compagnonnages du Devoir, démarche relaté dans l’introduction du règlement intérieur de la société, congrès 1895 :

« Le F.’. Limousin bon Courage apprit par hasard quelques mots d’un coutelier, se disant compagnon nommé Lagarrigue (Rouergue) sur le salut de boutique des jolis Compagnons du Devoir des 4 corps poêliers, fondeurs, ferblantiers, et couteliers.
Paris n’étant pas une ville de Devoir, pour cette société des quatre corps, Limousin bon Courage que sa position permettait, fit des visites aux compagnons des quatre corps individuellement, établis à Paris et employant tous moyens honnêtes, finit par avoir des connaissances sérieuses sur leur Devoir, se disant comme l’un des leurs, sous le nom de Limousin bon Courage, compagnon fondeur, preuve qu’il donnât à plusieurs compagnons boulangers, Provençal l’enfant chéri (Garnier), Périgord bien Aimé, Angevin la franchise, à Ivry en se reconnaissant avec deux compagnons poêliers -Bourbonnais Bienfaisant travaillant au chemin de fer d’Orléans et Garouste dit Aurillac la bonne volonté compagnon poêlier également établi, demeurant rue du Cheval Rey, puis rue de la banque avec Parisien la sagesse compagnon coutelier toujours en présence des compagnons boulangers.

La chambre de Paris voyant cette affaire proposa à la fondation d’envoyer un délègue sur le tour de France, comme inspecteur des chambres et pour régulariser le tout au mieux.
Faisant comprendre à Blois, l’intérêt de cette délégation, étant toujours dans la perspective pour être reconnus, la fondation accepta et Limousin bon courage partit le 11 mars 1856, muni de la délégation en règle de la société
Il avait dit aux compagnons des quatre corps de Paris, qu’il allait dans la Dauphine pour affaires commerciales et qu’il s’arrêterait chez leur mère à Lyon, un repas eut lieu chez Rousseau dit Parisien la sagesse, compagnon coutelier, passage Vivienne, comme coup d’adieu.
Parisien la sagesse donna une lettre à Limousin, le recommandant a la chambre de Lyon et priant la société de remettre au porteur ses affaires (Arias) de voyage qu’il avait laissé, en partant pour le service militaire en 1829.

Lavit dit Bourguignon la Fidélité, lui remit également des règles et des antiquités sur leur devoir qu’il chargeait de rendre à la société des quatre corps de Lyon, et qu’il avait garde depuis qu’il avait quitté Béziers, lors de la cessation de leur société, qui y était constitué alors et le pria de recommander son fils qui était poêlier aussi et devait partir sur le tour et débuter par cette ville.
Enfin le délègue arriva à Lyon la veille de Pâques et descendit chez la mère Americk, rue Grolée 24, dont le père et le fils étaient compagnons chapeliers. Le tout se passa au mieux et le premier en ville le nomme Belout dit Comtois la bonne Conduite, compagnon ferblantier le laissant seul en chambre lui facilita a son insu et indépendamment de sa volonté, de copier les règles et affaires qu’il n’avait pas.

Ce compagnon avait son frère qui était compagnon boulanger, Belout Raymond qui avait été fait renégat à Nîmes, notre 13 eme Cayenne, pour inconduite, Comtois l’ami du courage (1*).
Les affaires de voyages (Ariats) ne lui furent pas remises pour raison que Rousseau ne se conformait pas aux règles.
Quant aux affaires que le délègue donna, il s’en fit donner reçu et avisa Paris du tout par preuves convaincantes… ».

1*) BELOUT ou BELON Raymond, Comtois l’ami du Courage, exclu en avril 1851 à 6 mois et 20 francs d’amendes pour inconduite envers la société, et le 13 février 1852 « pour avoir été commandé à plusieurs assemblées qu’il ne s’est pas rendu, et pour avoir renié le compagnonnage et avoir dit a son bourgeois la manière que les réceptions se font, et qu’il n’est rien de la société, et à la Toussaint 1851 il avait tout divulgué à un aspirant qui s’est fait recevoir, et ne cherche qu’a détruire la société ».

Après Lyon, Limousin bon Courage descend sur la Provence, où il visite la Sainte-Baume le 15 avril 1856 accompagné de Nantais l’Union Joyeuse et Vendôme la bonne Conduite. Deux lithographies attestant ce passage sont propriétés des Archives départementales du Var (Cote 1F I 87 et 1 FI 90, publiées sur notre site avec autorisation).

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Dédicaces identiques sur ces deux lithographies :
« Entraygues Jean Baptiste, Limousin bon Courage reçu C. : Boulanger du devoir a la Rochelle pour la Toussaint 1848, a visité la Sainte-Baume en vrai Pèlerin Devoirant le 15 avril 1856, avec Nantais l’Union joyeuse et Vendôme la Bonne Conduite, et tout en faisant leurs dévotions religieusement, y ont fait bénir leurs immortelles couleurs et leurs cannes, emblèmes du Saint devoir de Dieu et de Maître Jacques ».
Nantais l’Union Joyeuse
, Julien BIGOT, né en 1832  à Nantes, reçu  à la Toussaint 1853 à Toulouse.
Vendôme la bonne Conduite (non identifié) nous avons un Vendôme la bonne Conduite reçu à Rochefort à la Toussaint 1837

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 « …Cette mission commencée, le 11 mars 1856 ne fut terminée qu’en juillet de la même année.
L’inspection des chambres et la réunion des deux chambres de Bordeaux (où régnait la discorde depuis 1852) qui se fit vers fin mai, le retardèrent beaucoup, enfin ce voyage mit la société a même à connaitre en entier le devoir d’un autre corps, de pouvoir compter sur l’avenir, et de voir réunir fraternellement des frères divisés par des malentendus, ce qui faisait un tort considérable, dans une ville de premier ordre comme Bordeaux.

L’affaire en resta là, à peu près un an. La chambre de Bordeaux 4e Cayenne écrivit au frère Limousin bon Courage qui se trouvait alors à Bruxelles pour ses affaires commerciales, en lui disant qu’il y aurait possibilité de tenter l’affaire en leur ville.
Ce compagnon se hâta de se rendre à Bordeaux, et après avoir fait le salut de boutique, entre de chambre, et assister à l’enterrement de leur mère des quatre corps, se fit reconnaitre le soir même 10 décembre 1857, en présence des compagnons du devoir passant tailleurs de Pierre, menuisiers, vanniers, maréchaux et nous.

Les compagnons tailleurs de Pierre assistant, étaient la franchise de Niort, la sagesse de Candes, Franc Coeur de Bordeaux le père, et Franc Coeur de Bordeaux le fils.
Les compagnons passant tailleurs de Pierre demandèrent, aux compagnons des quatre corps ce qu’ils pensaient faire ; après leur stupéfaction ils répondirent qu’ils nous rendraient réponse, chez notre mère, le dimanche suivant, leur visite se fit attendre trois mois. Enfin cette délégation dura du 28 octobre au 20 décembre 1857.
(Note de LB : il est a noté que Limousin bon Courage se marie le 17 décembre 1857, lors de cette délégation)

 La visite que les compagnons des quatre corps firent, chez notre mère à Bordeaux, rue du Boulan, fut funeste a six d’entre eux des mieux intentionnés (les compagnons des 4 corps ne voulant rien faire de favorable pour notre cause) nous donnâmes un certificat n’ayant aucun caractère officiel marquant que nous avions des connaissances sur le compagnonnage et signe chacun pour leur particulier, ce qui n’était qu’un palliatif. Les compagnons signataires furent tous fait renégat.

Enfin cette affaire au lieu de produire de bons résultats produisit le contraire, ce qui trompa l’attente de tout compagnon conséquent.
Enfin la chambre de Paris fit tous ses efforts auprès des compagnons des 4 corps de la capitale, afin de s’entendre, temps et peines perdues, voyant qu’il n’y avait rien à espérer de ce côté-là, il fut encore envoyé en délégation le frère Limousin bon Courage, à Nantes, en aout 1859 pour se rencontrer avec Rocher, dit Nantais le Courageux, compagnon poêlier, homme d’élite qui avait été le commissaire du gouvernement provisoire en 1848, un des premiers industriels de la ville, occupant dans ses ateliers bons nombres de compagnons, et qui avait une certaine influence dans sa société.

Ce compagnon reçut parfaitement le délégué, il le fit se rencontrer avec d’autres compagnons de Nantes et lui donna une lettre pour remettre aux compagnons influents de Bordeaux le recommandant, le délègue croyait arriver à une solution convenable, lorsque rendu à Bordeaux, à la première visite qu’il fit, un fait fortuit indépendant de sa volonté lui arriva dans l’un des plus forts ateliers de chaudronnerie, et l’on jugea alors cette affaire comme manquée, la chambre de Bordeaux ne pensait pas ainsi, et les faits qui vont suivre, vont suffisamment le prouver.

En dernier ressort, la chambre de Paris commanda une assemblée générale en 1858, afin de faire connaitre aux corps nos nouveaux pères, avec preuves a l’appui et savoir quels changements en surviendrait dans notre position compagnonnique, l’assemblée fut stupéfaite de cette nouvelle, et après avoir vu que les compagnons des quatre corps, étaient loin d’être disposes de vouloir agir favorablement, nous proposâmes de nous reconnaitre à une prochaine assemblée comme compagnon boulanger du devoir, enfants de maitres Jacques, fondent par nous-mêmes, enfin à peu près comme les Toiliers et Maréchaux qui n’ont pas de père également, ce moyen terme qui satisfait tout le monde; sans blesser l’amour-propre de personne fut accepté. Les compagnons charges de marcher étaient Limousin bon courage, Provençal l’Enfant Chéri (Garnier), Saumur plein d’honneur (Constant Boutin), Bordelais le Divertissant (Joseph Bayard).

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Signature de Limousin bon Courage sur un règlement datant de 1861 « Je Bte Entraygues fils, F. : M. : 3e degré (Limousin bon Courage) » – Coll. A. Bouchères-

À l’assemblée générale qui devait nous reconnaitre, trois compagnons des 4 corps arrivèrent de Bordeaux, qui étaient bordelais la Gaité, compagnon Ferblantier, Bourguignon sans Gène, compagnon Ferblantier et Nantais l’Ami des Compagnons, compagnon Coutelier qui vinrent pour se disculper, et protester contre cette reconnaissance, les compagnons Boulangers ayant un père disaient-ils. Il ne fut rien fait à cette assemblée, les compagnons des 4 corps ne s’occupèrent pas et en restèrent là ». Une autre assemblée générale eu lieu sans résultat.

Le 17 décembre 1857 Jean Baptiste ENTRAYGUES, Limousin bon Courage, se marie avec Marie-Élisabeth BARDON, (née le 14 octobre 1829 à Brive, fille de Jean-Baptiste BARDON et Toinette DAVID, cultivateurs).  Les deux jeunes époux n’ayant point d’argent, il leur faut trois années d’un dur labeur et de privations, pour ramasser un petit pécule qui permet au couple de créer au 10 rue Neuve des capucines, à Paris, une épicerie/comestible. En très peu de temps, grâce à une intelligente direction et à une activité sans pareille, la maison Entraygues devient l’une des premières de la capitale, le fauchon de l’époque.

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Un voisin de Limousin bon Courage, Louis Vuitton, au 4 rue neuve des Capucines 1854.

 « Marée de première fraicheur, gibier sain, truffes du Périgord exquises, cèpes délicieux, pates de foie gras préparés par la Maison de Brive, pièces truffées excellentes, salaison fine, primeurs de tous les pays, fruits magnifiques indigènes et exotiques ; tout ce qui peut séduire le palais et exciter l’appétit des gastronomes les plus délicats se trouve dans les magasins de Mr Entraygues, que l’on peut appeler à juste titre la providence de la table. La maison se charge de la fourniture des diners de cérémonie et des autres commandes de ce genre ».

Le 9 décembre 1860 a lieu à Paris une assemblée générale, les compagnons Boulangers du Devoir sont reconnus par les compagnons Cordonniers Bottiers , les compagnons Tondeur de draps et les compagnons Blanchers-chamoiseurs du devoir.

Le 7 février 1861, Constant BOUTIN, Saumur Plein d’Honneur quitte Paris pour faire un tour de France à fin de remettre les Constitutions à toutes les Cayennes, Limousin bon Courage occupe donc la place de Premier en Ville de la Cayenne de Paris par intérim.

Le 11 mars 1866, lors de l’assemblée générale de tous les corps d’état à Paris, qui aboutira à la reconnaissance par les compagnons Cloutiers du Devoir, Limousin bon Courage est secrétaire, il est également signataire comme secrétaire des Constitutions remises à tous les Cayennes du tour de France entre 1867 et 1868.

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Constitution de du Cayenne de Nîmes, le frontispice est de Limousin bon courage et identique à celui qui se trouve sur les levés d’acquits mis en service sans aucun doute à la même date… Limousin est le dernier signataire en bas du document. Ce blason sera repris en 1895, pour orner le diplôme d’honneur dit de fidélité ; en 1934 pour orner le diplôme d’honneur dit de tour de France et entre les deux guerres. (Photo.L.Bourcier)

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(Phot. L Bourcier)

Comme nous le constatons, Limousin bon Courage est un Compagnon engagé, tous ces voyages à travers la France avec les moyens de locomotion de l’époque : le train et la diligence, laissant son épouse tenir l’entreprise de Paris. Son activité philanthropique ne se limite pas au compagnonnage, il est membre d’une loge maçonnique « L’union des peuples ». (Loge créée en 1830, adhérent au Grand Orient de France, la quitte pour en 1853 adhérer au suprême conseil qui deviendra en 1895, la Grande loge de France).

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Emblème de la loge « Union des peuples »

En 1862, Limousin bon Courage publie la célèbre lithographie chez les Compagnons boulangers du Devoir: « Principes du compagnonnage », approuvée en assemblée générale des corps d’État du Devoir le 19 juin de la même année.

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Cette même année, a lieu une étrange affaire où Limousin bon Courage est exclu pour deux ans de la société des Compagnons boulangers du Devoir, pour avoir dans un courrier, adressé aux sociétaires boulangers, avoir nommé ces derniers « compagnons ». Il est fortement déçu, mais pas abattu.
Les services et les bienfaits qu’a rendus Limousin bon Courage à sa société, n’ont forcément pas été sans lui attirer les reproches et les calomnies que répandent toujours les envieux des actes des personnes dont ils ne peuvent égaler la conduite et les bonnes actions.

Limousin bon Courage décide donc de remercier la société le 2 octobre 1862, pour se consacrer à son épouse et à son entreprise.

Voici le contenu de sa lettre de remerciement adressée aux Compagnons boulangers de la Cayenne de Paris:

“Paris l’an du S.’. 2 octobre 1862

T.’.Ch.’.F.’.du D.’.

A.’.V.’.A.’.S.’.J.’.V.’.M’In.’.D.’.L’Et.’ D.’.V.’.S.’.T.’.Qu’a L.’.M.’.E.’.E.’.F.’.B.’.D.’.M.’.E.’.P.’.L.’.S.’.Q.’.V.’.S.’.T.’.D.’.L.’.M.’.Dispositions.

Chers Pays et Frères, voila quinze ans que je partis de Brive la Gaillarde pour faire mon tour de France, et que bien jeune encore, je fus admis dans notre société à Bordeaux (2 septembre 1847) en qualité d’aspirant, depuis ce temps jusqu’à ce jour, quoique ayant été militaire par le sort, n’ai jamais cessé de payer mes cotisations et suppléments et de vous prouver mon zèle.

J’ai occupé toutes les charges de notre société et comme rouleur, 2e en ville, 1 er en ville, secrétaire, membre de votre commission formant le conseil, délégué plusieurs fois sur le tour, ou ici, j’ai fait prévu on n’osera pas le contester du plus complet dévouement n’ayant jamais demande de rétributions aucunes. Il serait trop long de vous rappeler mes actes, vous les connaissez en partie, j’ai voyagé, j’ai fait mon tour de France, je me suis fait reconnaitre comp.’. par les comp.’. du D.’. des 4 corps, poêliers, fondeurs, ferblantiers, couteliers, qui m’ont pris pour un des leurs, ils ont apposé sur mes papiers, Ar.’. de voyage, leurs cachets et leurs signatures, j’ai fait cesser la discorde en 1856 à Bordeaux notre 4e Cayenne en réunissant notre société qui y était divisée depuis 5 ans, j’ai aidé à régularise notre société sur le tour de France, on ne contestera pas ma hardiesse, mon amour de ma société, tous mes efforts pour la faire reconnaitre.

Quoi que marie, quoique établi, j’ai été à Paris premier en ville, secrétaire, j’ai géré la société, j’ai travaillé à son nouveau règlement n’épargnant ni mon temps, ni mes pas, ni ma plume, ni tout ce que la nature et mes recherches n’ont pu me donner de lumières et de facultés. Si nous sommes reconnus par les comp.’.du D.’. chapeliers, chamoiseurs, tondeurs, doleurs, cordonniers, si l’on se rapproche de nous soyez en très certains, j’y ai contribué pour quelque chose.

La société des compagnons boulangers du D.’. ne tient pas la lumière sous le boisseau, elle m’a pris par la main à peine âge de 17 ans, et m’a fait homme, je tiens d’elle une instruction large et fraternelle et je comprends dans toute son ampleur, le vaste et saint principe du compagnonnage ; examinant ces tristes rivalités de corps à corps du devoir à devoir, je me suis dit, ce n’est pas ainsi que nous devrions vivre, tous les ouvriers sont utiles et tous devraient ce serer la main et fraterniser. Nous sommes tous hommes, nous sommes tous frères.[….].Cette année, il fallait nous dépasser nous-mêmes, il fallait ne pas rester en arrière des autres corps, et comme secrétaire, j’ai dû envoyer bien des lettres d’invitations, il y en avait pour les patrons, les placeurs des comp.’. de toute société, nous n’avions d’exclusion pour personne, je crus dans mon zèle extrême, dans mon ardent amour du bien en adresser aux sociétaires boulangers de la bienfaisance du D.’.(dits vulgairement les rendurcis) qui porte des cannes, des couleurs des surnoms, qui ont des initiations, tous les insignes du compagnonnage et s’appellent parfois aussi comp.’. de liberté, ils ont été formes en société par Desbat dit Bordelais la victoire, comp.’. de chez nous à Bordeaux en 1821.

Oui, j’en conviens j’ai osé les qualifier sur l’adresse de la lettre d’invitation imprimée du titre de comp.’., titre qu’ils prennent eux-mêmes dans plusieurs villes, voilà mon crime, le sujet d’une grande colère, pour ce seul mot, j’ai été mis en accusation, et d’abord frappe illégalement en mon absence sans qu’il y eut convocation d’assemblée générale, de deux ans d’interdiction, de dime hors de chambre et a une forte amende, j’ai rappelé et l’exclusion a été réduite à 3 mois et 20 francs d’amende, et pour en arrive la on n’a pas lu de lettres de plusieurs frères, ne pouvant pas se rendre, qui protestaient, qui étaient en ma faveur, j’ai proposé d’en référer à un corps, que je me soumettrais à leur décision, on a refusé, on n’a pas voulu me laisser profiter du bénéfice de la loi. Les comp.’. en place et les membres de la commission formant le conseil on rejette mon pouvoir, l’assemblée l’ayant accepté ; le règlement a été viole 3 fois en cette affaire, on veut que je paye cette amende, et cependant il m’est dû par la société 154 francs dont jusqu’à présent il ne m’a pas été tenu compte.

Frappé pour un mot, une qualification sur une enveloppe de lettre, pour la manifestation d’un bon désir, pour avoir fait de la fraternité, pour avoir voulu prouver la grandeur, la générosité, la philosophie, la religion vraie, la tolérance des comp.’. boulangers du D.’..Frapper un vieux camarade qui vous a toujours prouve son zèle, qui était constamment à votre service, qui négligeait son commerce, son père, son intérieur, ses propres affaires pour les vôtres… Ah mes amis que c’est grave…peu réfléchi et peu généreux…
Bien des corps ne nous reconnaissent pas encore, pour eux nous ne sommes que des sois disant…et cependant dans ces dernières années, grâce à l’impulsion donnée par nous, bien des corps nous adressent des invitations.

Si vous appreniez que chez les comp.’. tailleurs de pierre ou ailleurs, le secrétaire a été frappe comme je le suis, pour vous avoir traite de comp.’. sur une enveloppe de lettre, que diriez-vous? Approuveriez-vous la rigueur d’une telle société? Vous ne l’approuveriez pas, vous la blâmeriez, jugez en ce cas de votre action à mon égard. Mes amis j’ai mis à vous servir tout mon zèle toute mon activité, tout mon esprit, toute mon âme, tout mon Coeur, tout mon amour, et cela pendant 15 ans, tout ce que j’ai fait, je l’ai fait pour le bien, et en vue de vos être utiles, de vous élever, de vous placer bien haut dans l’opinion des hommes et de tout le compagnonnage. Mais du moment que je suis si mal compris pour avoir vraiment eu la pensée de faire le bien, que vous me frappez d’interdiction, d’amende que vous ne daignez pas répondre aux lettres que je vous ai adressées, je n’en appellerai pas au tour de France, je ne réclamerais pas, je subirai la peine, je payerai l’amende, bien qu’il me soit du 154 francs et ensuite, il ne me reste plus qu’a vous remercier, qu’à vous demander mon diplôme d’honneur, mon tableau de comp.’.remercie, y ayant droit, et à me retirer chez moi, je m’occuperai avec plus de soin que jamais de mon commerce, de mes affaires que j’avais peut-être négligée emporté par un extrême dévouement.

Néanmoins si un confrère se trouve dans le besoin, je serai encore là, je n’oublierai jamais que je suis comp.’. et mon Coeur battra toujours pour mes frères, je fais des voeux pour eux et pour notre société, je rentre dans mon isolement, j’ai besoin de repos et ne rêve que de la paix.
Soyez assurés que quoique comp.’. remercié, je ne vous oublierai jamais.
Veuillez bien chez Pays, recevez le baiser de paix, et m’en honorer s’il vous plaît auprès de la mère et du père de la part de votre frère comp.’. boulanger du D.’.

Jean Baptiste Entraygues fils.

Dit Limousin bon Courage, 10 rue neuve des Capucines

N.B. Au moment ou j’ai payé l’amende, il m’est survenu un fait qui m’a frappé et qui étonnera, dont j’instruirai le tour de France sous peu.

Signification des abréviations en début de lettre : Très Chers Frères  du Devoir. Apres Vous Avoir Salué, Je Viens M’Informer De L’Etat De Votre Santé Tant Qu’a La Mienne Elle Est Fort Bonne Dieu Merci Et Prions Le Seigneur Que Vous Soyez Tous Dans Les Meilleurs Dispositions.

Après cinq années de retrait de la vie compagnonnique, le 3 octobre 1867, jour d’une assemblée mensuelle de la Cayenne de Paris, Limousin bon Courage, cédant aux sollicitations qui lui sont faites, rend son certificat de remerciement, et réintègre de ce fait la société active.

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Un certificat de remerciement (Musée du Compagnonnage de Tours)

Lors de la remise de son certificat de remerciement au Premier en Ville, Limousin bon Courage s’adresse rapidement à celui-ci, en ces termes, courts mais précis :
« J’ai été constamment dévoué à la cause progressive du compagnonnage, je n’ai renié aucun de mes actes, je désire l’union, la fraternité, la paix, la prospérité et la grandeur de la société, mais qu’il faut absolument que lorsqu’il y aura des brebis galeuses, qu’elles soient expulsées afin de protéger le troupeau »

Limousin bon Courage reprend du service, l’appel du Devoir étant plus fort que la colère et la déception et à la fin de cette assemblée mensuelle, celui-ci, sur proposition du Premier en Ville est élu secrétaire de la société.

En cette fin de décennie, le beau-frère du Limousin bon Courage, Étienne BARDON (né le 24 mars 1824 à Brive) Sous-officier, est frappé par le deuil, son épouse décède d’une longue maladie et laisse trois jeunes enfants dans la peine. Étienne BARDON ne peut subvenir financièrement aux besoins de ses enfants… Marie-Élisabeth, l’épouse de Limousin bon Courage est marraine de la petite fille, âgée de sept ans. Le couple ENTRAYGUES prend l’enfant à sa charge et l’élève entièrement à ses frais. Limousin bon Courage fait placer le frère ainé chez les Frères de l’École Chrétienne de Saint -Nicolas et il subviendra à tous ses besoins. « Le père est sauf de la misère, il ne lui reste plus qu’un enfant, et réduit, qu’il était au désespoir, il se reprend à aimer l’existence et le travail, grâce au dévouement intelligent d’Entraygues »

1870, la guerre éclate, Limousin bon Courage se porte volontaire et est incorporé dans la cavalerie de la Garde Nationale « ou en toutes circonstances il donne de sa personne et de sa bourse, il donne abondamment pour les canons, les cantines, les ambulances, de l’argent, des vivres, des conserves aux pauvres, aux amis, aux voisins, ne comptant pas, ne songeant qu’à faire le bien et le bien faire ».

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«Les enrôlements volontaires sur la place du Panthéon »

Son commerce semble reste en activité, car selon certaines personnes dont les propos sont peut-être nées de la jalousie qui est toujours l’un des résultats de la réussite (rapport du sous-préfet de Brive en 1877) ce serait lors du siège de Paris que Limousin bon Courage s’enrichit considérablement « une petite fortune qu’il accrut considérablement pendant le siège de Paris, en vendant des marchandises, mais aussi de la viande de cheval à des prix excessifs ».

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Connaissant parfaitement Paris et ses environs, il est estafette auprès des différents chefs de corps, aux avant-postes et dans les forts. Puis suite aux défaites, face aux Prussiens, des combats du Bourget et de Champigny, Limousin bon Courage est affecté comme instructeur d’un nouveau corps à pied.

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« 300 grammes de ce pain après cinq heures d’attente par 12 degrés de froid »

1871, la célèbre Commune est proclamée, nous trouvons dans le journal “Le Panthéon de l’Industrie” du 2 décembre 1877, une information des plus intéressantes, sur Limousin bon Courage et la période communarde de Paris:
« Nous ne pouvons rapporter ici toutes les belles actions qui ont rendu son nom célèbre parmi ses confrères, mais afin d’en donner à nos lecteurs une idée, nous dirons qu’il s’est particulièrement distingué à la manifestation place Vendôme, le 22 mars 1871, en sauvant au péril de sa vie et sous le feu des fédérés, plusieurs blessés qui auraient indubitablement trouvent la mort en ce lieu sans sa généreuse intervention… ».  Le nombre de blessés secourut par Limousin bon Courage serait de seize.

Que s’est-il passe le 22 mars 1871 ?

Les amis de l’Ordre, dénomination sous laquelle se sont regroupés les Parisiens hostiles à la Commune de Paris, composé principalement de commerçants, bourgeois et aristocrates des beaux quartiers du centre et de l’ouest de Paris, manifestent le 21 mars, rubans bleus à la boutonnière, parcourent le boulevard des Italiens, la rue Vivienne, la place de la Bourse, la rue Lafayette, itinéraire des beaux quartiers. Les amis de l’Ordre manifestent de nouveau le 22 mars dans le quartier de l’Opéra en direction de la place Vendôme, où se trouve l’état-major de la Garde nationale. Des insultes et des coups sont échangées, des coups de revolvers sont tiré. Des Gardes nationaux tirent sur les manifestants qui s’enfuient. On compte 2 morts et 7 blessés parmi les Communards, et quinze morts et une dizaine de blessés parmi les manifestants.

C’est dans cette foule que se trouve Limousin bon Courage, qui va extraire de la  panique de malheureux blessés. Il leur trouve refuge chez le pharmacien anglais SWIFT, 28 place Vendôme. Nous pouvons aussi émettre l’hypothèse, étant donnée la proximité de son commerce situé rue Neuve des capucines, (rue proche et perpendiculaire à celle empruntée par les manifestants), celui-ci transforme à la hâte sa boutique en ambulance pour recueillir et protéger de malheureux blessés qu’il peut extraire de la foule paniquée.

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Pour cet acte de courage, il reçoit plus tard deux croix et une médaille du mérite, octroyées par les ambulances militaires, annexe du ministère de la guerre. Récompense en 1874, par la Société Nationale d’encouragement au bien, pour son attitude durant le siège et sa maison « mise à la disposition des ambulances, des pauvres, des voisins »

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Les coups de feu des Fédérés en direction de la manifestation des « Amis de l’Ordre » se trouvant rue de la Paix (raspouteam.org )

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En observant le cachet du pharmacien SWIFT, nous voyons le nom de son prédécesseur, le nommé Pariss. Le 4 décembre 1851, lors du coup d’État de Napoléon III, Pariss participe à un regroupement contestataire sur les grands boulevards. Les contestataires huent les soldats, la réaction est violente, ces derniers parmi lesquels selon certaines sources nombreux étaient en état d’ivresse, tirent sur cette foule. P. Pariss y trouve la mort vers 15 H00 Boulevard Montmartre.

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Nous observons sur cette gravure, la rue de la Paix  jonchée de ses cadavres. A droite, nous observons l’entrée de la rue Neuve des capucines, où Limousin bon Courage tiens boutiques au numéro 10. A gauche se trouve la boutique du pharmacien Pariss au numéro 28 place Vendôme. (raspouteam.org)

D’autres nombreux actes de courage dans divers incendies et noyades lui valurent de diverses associations de sauvetage et humanitaires, de recevoir le titre de lauréat ou dignitaire. Le préfet de police lui-même lui adressa une lettre de félicitation lui assurant qu’a l’occasion, il n’oubliait pas sa belle conduite. Limousin bon Courage avait au péril de sa vie, où il avait été contusionné, arrête un cheval emporté.
Pour avoir sauvé une personne en danger de mort sur la voie publique, le ministre de l’intérieur lui attribue une mention honorable. Ayant dégagé un ouvrier pris par le couvercle d’un autoclave, il reçoit du gouvernement une médaille d’honneur, pour ce nouvel acte de courage. D’autre part, il s’intéresse puissamment aux oeuvres de biens. Aussi un prix exceptionnel lui est octroyé au nom du ministre de l’Instruction publique par la Société d’instruction et d’éducation populaires. La caisse des écoles du IIe arrondissement ainsi que les crèches bénéficiaires de la générosité de Limousin bon Courage, ce qui eut pour conséquence son élévation au grade d’officier d’Académie.

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Médaille d’Officier d’Académie

À Brive en 1873, Limousin bon Courage achète à Charles-Émile DUVERDIER, une jeune maison bourgeoise, la villa Cardinal.

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Nous observons sur cette ancienne carte postale, après le pont derrière deux grands sapins.

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Gravure sur la façade de la villa Cardinale, 1873 correspondant à la date de l’achat de la propriété par Limousin bon Courage

En 1874, lors de l’exposition d’horticulture au Palais de l’industrie (Palais situé sur les Champs-Élysées, détruit en 1896) Limousin bon Courage obtient la grande médaille d’argent et le Maréchal de France, président de la République, Patrice de MAC MAHON « daigne lui faire l’honneur de l’entretenir, et le félicite au sujet de ses beaux apports en fruits forces, conserves »
L’Académie nationale agricole lui décerne sa plus haute récompense, son diplôme d’Honneur, pour son travail manuscrit traitant des falsifications dans la préparation des conserves alimentaires et des moyens pratiques à prendre pour faire entrer dans l’alimentation la viande a bon marché, dans l’intérêt de la classe ouvrière et nécessiteuse. Cette même année, son épouse Marie-Elisabeth reçoit une médaille d’argent de la mairie du 2 eme arrondissement, pour actes de dévouement.

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Limousin bon Courage, fidèle à ses principes de rigoureuse probité, s’empresse à rendre à son propriétaire un portefeuille contenant 2000 francs qu’il venait de trouver devant le Théâtre-Lyrique.

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Extraits de quelques organes de la presse de Paris et de la Province a ce sujet:

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De passage à Sens, les Compagnons boulangers, de cette Cayenne, lui octroie le 3 novembre 1876, une conduite générale.
« Le Progrès de l’Yonne« , mercredi 8 novembre 1876
Une conduite générale
Vendredi dernier, un certain nombre de Compagnons, décorent de leurs insignes traversaient les rues de Sens en chantant et se rendaient à la gare de Lyon.
Un compagnon parisien, occupant dans cette ville une belle position, était venu visiter la ville de Sens, les compagnons boulangers réunirent chez leur mère, le compagnonnage de diverses corporations.
Après qu’on eut, souvent l’usage, salue et fraternise, le visiteur fut conduit à la gare par les Compagnons de tous les devoirs, puis après l’avoir mis sur les champs, ceux-ci rentrèrent en ville en ordre et chantant des hymnes du compagnonnage.

Le partant, Compagnon boulanger du Devoir, décoré de plusieurs ordres est connu sous le nom du Limousin bon Courage« .

L’entreprise comptabilise en 1877, 27 médailles de bronze, argent, or et vermeil ; trois diplômes d’honneur dont cinq du Ministère de l’agriculture et du commerce, deux médailles d’or, deux médailles d’argent et une médaille de bronze. Breveté «fournisseur » par deux souverains dont l’Empereur du Brésil, Pierre II et la Princesse Mathilde.

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(BNF)

Cette même année, Limousin bon Courage est promue par le gouvernement Tunisien, Chevalier de Nichan. Nous pouvons supposer que la présence sur sa poitrine de plusieurs médailles de pays étrangers vient d’un important commerce d’exportation de ses conserves en direction des ces pays.Sans titre28

Chevalier de Nichan.

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Le 26 mars 1879, une autre conduite générale est organisée en son honneur par la Cayenne de Bordeaux.

« La Victoire » du 30 mars 1879
Une conduite
Mercredi dernier à 1 heure de l’après-midi les compagnons de divers corps d’État de la ville de Bordeaux ont fait une conduite générale un des leurs, M. Entraygues fils, Compagnon boulanger du devoir, connu sous le nom du Limousin bon courage. M.Entraygues qui habite à Paris, où il exerce l’industrie des conserves alimentaires est officière d’académie, officier de Santa Rosa, Chevalier de Nichan, etc.
le cortège, après c’être forme rue de Cursol, chez le père des compagnons boulangers a traversé le cours des fosses, le pont de pierre, l’avenue Thiers et est arrive à mi-côte de Cenon à l’établissement de Bellevue, ou a eu lieu la halte. Les saluts ont été échanges et les adieux ont été faits.
Un certain nombre de curieux s’étaient joints au cortège et le compagnon boulanger Entraygues doit se féliciter d’avoir reçu les plus grands honneurs que, depuis très longtemps à Bordeaux, on avait faits aux Compagnonnage ».

Ces deux conduites générales attestent de l’estime qu’avait Limousin bon Courage dans les rangs de sa corporation.
Le 16 mai 1878, lors du banquet de la Saint Honoré à Paris, il organise une quête pour venir en aide aux victimes de la catastrophe survenue la veille dans un magasin de jouets, au 22 rue Béranger, quartier du château-d ‘eau, dans lequel était entreposé une grande quantité de fulminate de mercure, destiné à des pistolets à amorces pour enfants qui explosa. Cette catastrophe fit 15 morts, 18 blesse et détruisirent deux maisons. Le montant de la quête fut de 95 francs et verse à la caisse municipale du troisième arrondissement de Paris.

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La catastrophe du 22 rue Béranger.

Un parchemin signe du père des Compagnons boulangers du Devoir de la ville de Paris, des hommes en place et du commissaire de police lui est remis en reconnaissance de cet acte de philanthropie.

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Une étrange affaire compagnonnique éclate le 14 mai 1880, celle-ci nous et très succinctement relate dans ce seul et unique document connu à ce jour (Coll privée) :

« Paris, le 14 mai 1880

Pays et coteries,

Après vous avoir salué, la présente est pour vous dire que l’assemblée générale de tous les corps d’État tenu le dimanche 9 mai, chez tonnelier pour prendre connaissance d’un livre fait par le pays Entraygues dit Limousin bon Courage, comp.’. boulanger, concernant plusieurs corporations et dont le pays Escole Joli Coeur de Salerne, avait en sa possession. Après avoir délibéré, l’assemblée à décide que ce document serait brulé séance tenante en présence de tous les corps d’État réunis, donne un blâme à Jean-Baptiste Entraygues dit Limousin bon Courage, et le chasse des sociétés compagnonniques.

Recevez pays et coteries mes salutations fraternelles

Le président : Comtois laFidélité comp.’.selliers
Le vice-président : Beauceron la Bonté comp.’.charpentier bon drilles
Le secrétaire : Lorrain la belle Conduite comp.’.tanneur et corroyeur »

À la première analyse de ce document, nous constatons que cette réunion est organisée par la Fédération compagnonnique de tous les devoirs réunis. Que Limousin bon Courage reçoit un blâme lors de cette assemblée, mais qu’il n’est fait aucune allusion à un blâme corporatif. Que pouvait bien contenir ce livre pour provoquer une telle sanction à son égard? Ce qui est certain, c’est qu’il y parlait du compagnonnage. Comment un ouvrage peut provoquer la colère de différentes corporations? Tout simplement en les citant. Il existe une très forte probabilité que ce livre était tout simplement les mémoires compagnonniques d’ENTRAYGUES, ou celui-ci aurait abordé la période des reconnaissances, dans laquelle il fut l’un des principaux acteurs et c’est de ces écrits que les Compagnons boulangers du Devoir durent extraire la période 1854-1861 que l’on trouve en début de règlement du congrès de 1895, où l’activité d’ENTRAYGUES est relaté très prestement, avec nom, date, et détails, que je présente en début de cette biographie.

Il faut reconnaitre que ces écrits ne sont pas très honorants pour certaines corporations, et compagnons -qui sont citées- qui se sont laissé berné, dans différentes villes de France, par Limousin bon Courage. J’émets donc l’hypothèse, que ce sont ces mémoires compagnonniques qui provoquèrent cette sanction. Sanction qui n’aura pas beaucoup d’effet sur sa vie compagnonnique .
Par contre il est à noter un détail, lors de cette période, nous voyons disparaitre du blason d’entête du « levé d’acquit » des compagnons boulangers, son nom d’auteur, cette disparition aurait-elle un rapport avec cette sanction ?

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Aux termes d’un rapport présenté par le ministre de l’intérieur et des cultes, et approuvé, le 31 juillet 1880, par le Président de la République, des médailles d’honneur sont décernées aux personnes  qui ont accompli des actes de courage et de dévouement , parmi eux figure Jean Entraygues : « Mention honorable. — Entraygues (Jean), négociant à Paris ; Brive, 5 octobre 1879 : s’est dévoué pour dégager une femme qui, tenant un enfant dans ses bras, venait d’être terrassée par son mari en état d’ivresse. »

Pour des services exceptionnels, il est honoré de trois autres décorations (l’un d’officier, les deux autres de chevaliers), par des puissances amies de la France, et par décret présidentiel, rendu sur la proposition du grand chancelier de la Légion d’honneur, il fut autorisé à accepter et à porter les insignes des Ordres Confédérés (il n’a pas été encore possible à ce jour de connaitre la définition de cette distinction).

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Officier Ordre de  Santa Rosa et Civilisation (obtenue par le Premier Ministre du Honduras) Croix rouge

Après une existence si bien remplie, et après avoir vaillamment gagné le droit de se reposer, Limousin bon courage se retire, vers 1882-1883  près de sa ville natale, propriétaire terrien, il cultive la vigne pour des raisins de table se consacre aux oeuvres de bienfaisance et bien évidemment, au compagnonnage…

Limousin bon Courage choisissant la voit du ralliement des Compagnons du Devoir continue à avoir une activité importante, servir la société des Compagnons boulanger étant pour lui plus qu’un devoir, il fonde à Brive, le 1er novembre 1883 (avec Louis TARTARY, Bourbonnais le Bien Estimé n ‘en 1859 à Lurcy Levis (03) reçu à Nantes à la Saint Honoré 1878, et VIGNE, Limousin Rose d’Amour, une chambre (ville de deuxième ordre) avec Mère, Madame MARZIER, Hôtel Trafer, 11 avenue de Paris. À cette ouverture, la société compte vite 10 aspirants, puis dans le courant 1884 arrivent successivement douze autres aspirants.

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Cachet de la Chambre de Brive, unique cachet, après 1861, à représenter une équerre et un compas ainsi que les chiffres tripointés 357, représentation en opposition avec le règlement établit en 1861 qui impose l’uniformité des cachets à toutes les Cayennes, encore en pratique de nos jours (pelle, rouable et balance).

À la Saint Honoré 1884, un événement promettant un avenir rayonnant pour la Chambre de Brive a lieu, bien que n’ayant pas le titre de Cayenne, une réception est organisée sous la juridiction de du Cayenne de Toulouse, sont reçus Jean-Louis BONNEAU, Rochelais le Laborieux (né en 1847 à Le Jard) et Pierre BELLIER, Berry le Prévoyant (né en 1865 à Uzay). Le banquet de Saint Honoré à lieu chez la mère à l’Hôtel Trefer, en présence des « Frères Maçons de toutes les loges », et le bal fut donné dans la « salle des fêtes de la loge maçonnique » et le « F. : Roche F. : M. : » invite prit la parole au banquet, deux télégrammes d’encouragements furent reçu, le premier de la part de Philippe LABROUSSE, député de la Corrèze, et le second de Léon BORIE, maire de Tulle… (Journal  Le Ralliement numéro 18, 22 juin 1884). 

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Philippe LABROUSSE (1847-1910), Médecin, Député de la Corrèze, élu un 1884.

Le 8 septembre 1884 à octobre 1888, la mère des Compagnons boulangers de Brive sera Mme MANIÈRE, café-restaurant, 31, avenue de Paris, et en octobre 1888 Mme TOURNERIE, Hôtel de Boulogne, 8, avenue de Paris.
Voici un très intéressant témoignage d’un Compagnon boulanger du Devoir, Ernest MENAGER, Tourangeau l’Ami des Arts, de passage sur Brive en 1885, lors de son tour de France, venant de la Sainte-Baume :

«… Le Pays Entraygues me fit soigner pendant huit jours chez la mère et ce n’est que sur mes instances réitérées qu’il se décida à me faire transporter à l’hospice, ou je restai trente et un jours, […] (il) n’a jamais manqué un jour de venir me visiter, m’apportant toujours quelque chose, tantôt c’était du chocolat, tantôt des biscuits, tantôt du vin vieux qu’il payait pour hâter mon rétablissement, je dois également des remerciements à son épouse pour ses bonnes visites et ses bons conseils lorsque convalescent je sortis de là, et que, de l’avis du médecin, je dus regagner le toit paternel, ce fut encore lui qui me proposa l’usage de sa bourse.[….] dans la même salle d’hôpital que moi se trouvait un vieux C. : menuisier du devoir du nom de Marquessac, dit Joseph le Limousin, ce C. : comme pensionnaire pouvait sortir de temps en temps, or, il y avait à peu près quinze jours que j’étais là, lorsque, un jour ce C. : sorti et il ne rentra pas et le lendemain matin on le rapportait avec une jambe cassée. Eh bien ! A part le C. : Entraygues, qui lui apportait toujours du tabac je soutiens et j’affirme que pas un C. : de la Fédération de Brive n’est venue lui rendre une seule visite à son lit de douleur… » (Le ralliement des compagnons du devoir, 11 avril 1886, numéro 61).

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Détail du Levé d’acquit d’Ernest MENAGER, Tourangeau l’Ami des Arts, le seul document connu à ce jour marqué du cachet de la ville de Brive.

L’année 1885 sera pour Limousin bon Courage une année difficile au niveau familial, comme nous pouvons le découvrir dans les lignes du « Le Ralliement des Compagnons du Devoir » des 9 aout 1885 :

« Brive, le 20 juillet 1885.
Mes C. : P. : et très estimables Frères, Compagnons du Devoir réunis chez la Mère, Madame Mereau, 5 rue Marceau à Tours.
Après vous avoir salué en Dévoirant suivant l’usage, j’ai l’honneur de répondre à votre fraternelle invitation.
J’espérais et je comptais être des vôtres pour votre fête des 26 courants, je ne le puis, un de mes frères vient de mourir, c’est le deuxième que je perds dans six mois. Nous sommes, toute la famille, plonges dans le deuil ; sa femme est désolée. Étant ainsi dans la peine, je ne pourrai venir.
Mais de coeur et d’âme, vu les principes sacres de fraternité et de solidarité qui unissent désormais les D. : E. : de M. : et du P. : Soubise, je serai avec vous.
Je désire que ces agapes resserrent les liens qui nous unissent tous pour faire le bien.
Recevez, dignes P. : et très estimables F. : Compagnons du D. : réunis de J. : et S. : le baiser de paix.
Veuillez présenter mes plus respectueux hommages à la Mère, et recevez l’assurance de mes sentiments les plus fraternels.
J.Entraygues, dit Limousin bon courage, C. : B. : D. : D. : .Reçu pour la Toussaint à la cay. : de La Rochelle, 1848. »

La société des Compagnons boulangers du Devoir de Brive compte cette année-là, dix Compagnons dont voici les noms :

Jean ENTRAYGUES, Limousin bon Courage, Premier en Ville.
Jean-Baptiste LAGORCE, Périgord bon Soutien du Devoir (n’en 1831 à Marsac sur Isle, reçu à Angers à Pâques 1855) Second en Ville en avril 1885.
VIGNE, Limousin Rose d’Amour (date et lieu de réception non identifie) SEV en 1884, Rouleur en avril 1885.
PLANET, Limousin Cœur de Lion (né en 1820, reçu à Lyon en 1846, lieu de naissance et réception non identifiés, membre des anciens Compagnons réunis de Brive, décédé en 1890).
Joseph MALLET/MALLEBAY, Limousin la Sagesse (né en 1836 à Uzerche, reçu à La Rochelle à la Noël 1858).
Jacques FOUGERES/FOUGERIE, Limousin Belle Union (né en 1838 à Tulle, reçu à Rochefort à la Noël 1860).
Antoine MEZAN, Quercy le Soutien de la Canne (né en 1852 à Strenquels, reçu à Bordeaux à Pâques 1874 -sous réserve, existe un autre soutien de la canne à la même époque, n’en 1839 à Saint Cere, prénom Jean, nom de famille non identifie-).
Mathurin BROUSSE, Limousin le Paisible (né en 1831 à Marcillac la croze ou Lacroisille (19), reçu à Nantes à la Saint Honoré 1853).
François CHIROL, Limousin la Douceur (né en 1841 à Limoges, reçu à Bordeaux à la Toussaint 1864).
Louis Alexandre Gilbert TARTARY, Bourbonnais le Bien Estimé (né le 31 mars 1859 à Lurcy Levis (03) reçu à Nantes à la Saint Honoré 1878).

Tous ses compagnons habitent les communes environnantes de Brive excepte Limousin bon Courage qui, en 1886 et le seul domicilie dans la ville. La population de Brive à cette période s’élève à 15 000 habitants et compte une trentaine de boulangeries, il sera donc difficile de donner une expansion importante à la société, malgré tous les efforts de Limousin bon courage.
Pour remercier et récompenser Limousin bon courage de son engagement compagnonnique, le ralliement des compagnons du devoir lui décerne le 26 juillet 1885, la croix de l’Ordre de Maître Jacques et du Père Soubise (décoration créée par le Ralliement des Compagnons du Devoir).

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En 1884, il fonde à Brive une société de sauvetage, dont l’un des présidents d’honneur est le ministre de la Guerre, le général BOULANGER :

Ministère de la Guerre-Cabinet du ministre
République française
Paris le 6 janvier 1887

                                                                                   à
Monsieur le Président de la Société de sauvetage du département de

                                                                                                            La Corrèze, Brive.
Monsieur le Président;


J’ai reçu la lettre par laquelle vous me faites connaitre que sur votre proposition la société de sauvetage du département de la Corrèze a bien voulu, a l’unanimité, me nommer Président d’honneur de la société.
Je m’empresse de vous remercier de cette marque de sympathie à laquelle je suis on ne peut plus sensible et vous dire que c’est avec un grand plaisir que j’accepte le titre qui m’est offert avec une spontanéité dont je suis vraiment touche.
Je vous prie d’être mon interprète auprès des membres de la société et de croire, Monsieur le Président, a l’assurance de mes sentiments de très cordiales sympathies.

                                                                                                                   Général Boulanger.

En 1886, la presse de Brive annonce à ses lecteurs que Jean ENTRAYGUES, président de la société de sauvetage de Corrèze a remis au nom de cette société, 50 francs pour l’Institut Pasteur ; la chambre des Compagnons boulangers du Devoir faisant de même pour une somme de 5 francs. Grâce aux deniers de Limousin bon Courage, l’oeuvre vécut environ quatre ans, plus de trois mille francs furent distribués aux sinistres du département et aux pensionnaires de deux maisons hospitalières de Brive. Cette société sera dissoute en 1888, pour des raisons qui nous sont aujourd’hui inconnues.      

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Médaille de la Société de sauvetage de Corrèze

Nous découvrons sur cette société de sauvetage des faits particuliers dans l’ouvrage « La figure du Sauveteur » (Presses Universitaires de Rennes) l’auteur, Frédéric CAILLE, nous apprend que cette société « de secours des gens en péril dans une catastrophe quelconque » a été créé en 1884 à Brive par ENTRAYGUES, avec le receveur buraliste BARA, le capitaine des pompiers, et de cinq à six personnes titulaires de la médaille de sauvetage. Société avec blason portant « Honneur-patrie, Courage, Humanité » et devise stipulant « Devoir, Abnégation, Sauver sans souci du danger », quatre cents adhérents affichés, Victor HUGO, Ferdinand de LESSEPS ; LE ROYER, président du Sénat ; FLOQUET, président de la chambre des députés ; président d’honneur revendique, auquel succédera le général BOULANGER.

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Cette société de secours aurait été rapidement délaissent des notables habitants de la ville, l’association ne rassemblant sur ses quatre années d’existence selon le sous-préfet de Corrèze que « sept a huit personnes, en générale étrangère au département de la Corrèze, et qui sont attirées à Brive par l’appât d’un bon déjeuner offert par leur président» le tout motive par « le délire des grandeurs et des distinctions honorifiques» de son président.

Est-ce le souci, le désir, la volonté de Limousin bon Courage de joindre à ses palmes académiques le cordon rouge de la Légion d’honneur ?  Comme le suggère l’auteur de cet ouvrage, qui le pousse a « gonflé » sa société de sauvetage ? … peut-être… Quoi qu’il en soit, Limousin bon Courage est par décret ministériel, nomme membre de comité d’organisation départementale de l’Exposition universelle de 1889.

C’est le 7 aout 1891, à sept heures du matin que Limousin bon Courage, âgé de 61 ans s’éteint à Brive, a son domicile faubourg Cardinal, laissant derrière lui une veuve. Il disparaît après avoir passé une vie bien agitée. Nous ignorons ce jour les causes de son décès.

Aucun Compagnon boulanger ne sera présent à sa dernière conduite…

Un article sera publié dans le journal Le Ralliement des Compagnons du Devoir, numéro 196.22 novembre 1891, présentant les excuses des Compagnons de ne pas s’être déplacé étant donne les grandes distances qui les séparaient, suit ensuite une grande biographie du disparu.

Un autre journal publie un encart : ” l’Union Compagnonnique” numéro 49. du 20 novembre 1891:
« Mort d’Entraygues C.’.B.’. . Le mois dernier est décédé à Brive, Entraygues, C.’.boulanger, qui a fait parle souvent de sa personne pendant sa vie compagnonnique. Dans ces derniers temps, il était entièrement délaissé de sa corporation, même de ses derniers amis, et sans quelques CC . : de l’Union compagnonnique de Brive qui a bien voulu l’accompagner à sa dernière demeure, il n’en aurait pas eu à son enterrement . Que la vie future lui soit plus calme que celle qu’il vient de quitter ».

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 JOURNOLLEAU, Rochelais l’Enfant Chéri, chanta  Limousin bon Courage:

Dédié à mon ami J.B. Entraygues dit Limousin bon Courage.

  • Air: Le général tom pouce
  • Amis, dans ces couplets,
  • Je veux d’un frère intime
  • Célébrer les attraits,
  • Car il a notre estime.
  • Chaleureux zélateur          )
  • De son compagnonnage   )
  • Pays chantons en choeur)
  • Limousin bon courage     )    bis 
  • Partisan de la paix,
  • Il déteste l’injure;
  • Nous ne pourrons jamais
  • Dire qu’il fut parjure.
  • Illustre sectateur               )
  • De Perdiguier le sage       )
  • Pays chantons en choeur  )
  • Limousin bon courage.     ) bis
  • Nous le verrons toujours,
  • Enfants du tour de France
  • Nous prêter son concours,
  • Combler notre espérance.
  • Plein d’une noble ardeur)
  • L’honneur fut son partage)
  • Pays, chantons en choeur )
  • Limousin bon courage     )bis
  • Nous savons qu’à Bordeaux,
  • Ce compagnon fidèle
  • Pour soulager nos maux
  • Fit preuve d’un grand zèle.
  • De son généreux Coeur    )
  • Nous connaissons l’usage)
  • Pays, chantons en choeur )
  • Limousin bon courage     )bis
  • Sous la fois du serment,
  • Aime de tous ses frères,
  • Il suivit constamment
  • La route de nos pères.
  • Ardent innovateur       )
  • Accepte notre hommage)
  • Pays, chantons en choeur)
  • Limousin bon courage    )bis
  • L’auteur de ces couplets,
  • Chante encore pour vous plaire;
  • L’Enfant chéri  jamais
  • N’abandonne ses frères.
  • Pour lui c’est un bonheur)
  • Que souvent il propage.   )
  • Pays, chantons en choeur)
  • Limousin bon courage     )bis

À un ami du Devoir

Dédié à Jean ENTRAYGUES dit Limousin bon Courage C.’.B.’.D.’.D.’., à Brive (Corrèze), pour son dévouement et ses récompenses.

Par RAIMBAUD Henri dit Sablais l’Étoile du D.’. .Compagnon boulanger D.’.D.’.

  • Ami Limousin bon courage
  • Frère Entraygues, compagnon boulanger,
  • Du beau Devoir la leçon sage,
  • Partout su te guider.
  • Pour ton prochain, sois brave
  • Jeune possesseur du vrai devoir,
  • Voila la réponse de l’oracle
  • Qui lui fut faite au manoir,
  • Dans ce temple immortel,
  • D’un pas ferme il franchit
  • Les degrés et pour son zèle,
  • Le beau Devoir on lui transmit.
  • Depuis étant fidèle a son ordre,
  • Partout il sut le faire valoir,
  • Aux C.’. il prêchât la concorde.
  • Depuis cette heureuse victoire,
  • Un doux repos dont il mérite,
  • Lui est souhaite de toutes parts,
  • Par tout F.’. acolyte,
  • De tous métiers, de tous arts,
  • Ses décorations sont l’emblème
  • D’une vie pleine de labeur,
  • Heureux ceux dont le Coeur aime
  • A soulager le malheur.
  • Aux périls ne craignant sa peine,
  • Bien des fois sa vie a risqué,
  • En 1870-1871, dans cette maudite guerre,
  • Il bravât la mort pour l’humanité.
  • L’auteur dans sa biographie,
  • M.Labruge, de ce bon citoyen,
  • Eloge une vie bien remplie,
  • Sa compagne et lui sont bien dépeints,
  • Que l’être suprême veuille
  • De longs jours leur accorder.
  • Ces voeux ne sont pas par orgueil.
  • Tous deux l’on bien mérité.
  • Taizé-par-Oiron (Deux-Sèvres)
  • Ce 29 mai 1891
  • H. Raimbaud, C.’.B.’.D.’.D.’.

Madame ENTRAYGUES résidera à la villa Cardinal, jusqu’à son décès survenu à l’âge de 76 ans, le 3 novembre 1905.

Sans titre42

En 1906, suite au décès de madame Entraygues, la Villa Cardnal est mise en vente, et le conseil municipal de Brive décide de l’acheter afin de la transformer et en faire une école, quatre classes de filles et des logements pour les institutrices. Elle est aujourd’hui, carrefour Cariven, l’École publique et primaire de Pont Cardinal.
La maison du Limousin bon Courage, Officier des Palmes Académiques, quelques années après sa mort, devenant une école…
N’est-ce pas-là, la plus belle récompense ?…

Sans titre43

« Le Ralliement des Compagnons du Devoir » n° 206 du 23 avril 1892

Laurent Bourcier, Picard la Fidélité, C.P.R.F.A.D.

Différentes sources :

– « Le Panthéon de l’Industrie » numéro 138, 2 décembre 1877.(Col.L Bourcier)

– « Documents relatifs a Monsieur Jean Entraygues, classés par Mr R.Dupuy 1877 » BNF LN27 29899

– « La Figure du Sauveteur » Frédéric Caille ; Presses universitaire de Rennes 2006.

– Différents numéros du journal « Le Ralliement des Compagnons du Devoir » et de « L’Union Compagnonnique ».

– Archives Compagnonniques.

Commentaires concernant : "Jean-baptiste Entraygues" (5)

  1. Laurent Bourcier a écrit:

    Chers lecteurs,

    Les archives de Brive nous instruisent, graçe aux registres de remises de passeport, que c’est le 7 juillet 1847 que Jean Baptiste Entraygues, à l’âge de 17 ans, reçoit un passeport afin de se déplacer de Brive vers Périgueux.

    Picard la fidélité

  2. Laurent Bourcier a écrit:

    Chers Lecteurs, voici un petit supplement pour la biographie de notre cher Limousin bon courage :
    En 1863, nous trouvons dans l’ouvrage intitulé Les ouvriers de Paris : l’alimentation (Pierre Vinçart- Gosselin, 1863 ; page 59/61) une interview de Limousin Bon Courage, celui-ci faisant un descriptif des plus positif de sa société compagnonnique :
    « Tout en maintenant notre opinion sur le rôle actuel du compagnonnage, nous ferons néanmoins connaitre celle de M. Entraygues fils, compagnon boulanger, et avec autant plus de plaisir que les sentiments exprimés par notre contradicteur sont aussi honorables que sincères :
    « Le compagnonnage, quoi qu’on en dise, affirme M. Entraygues, exerce toujours une grande influence, surtout pour l’ouvrier désirant s’instruire dans notre partie, voyager enfin ; car il y a des changements de travail dans presque toutes les villes, et pour voyager, il faut être membre de l’une des deux sociétés existantes du tour de France ; car l’on n’a du travail que par l’une ou l’autre société ; et il faut aller soit chez la mère des compagnons aspirants boulangers du devoir, soit chez la mère des sociétaires et prétendants du devoir de la bienfaisance (cette dernière étant organisée en compagnonnage aussi), car en province, le patron va chez la mère pour avoir des ouvriers. IL n’y a que dans les villes où la société n’est pas organisée que les ouvriers se présentent eux-mêmes aux bureaux pour être embauchés…
    Dans ma société, il y a quarante villes, dont vingt de devoir, et chaque année, il y a un mouvement de sept à huit cents membres revenant du tour de France, ou qui vont partir pour l’effectuer.
    On peut encore juger de notre bonne volonté et de notre franche cordialité en assistant à nos fêtes dans nos villes de province, soit à Blois, Orléans, Tours, Nantes, Rochefort, Bordeaux, Toulouse, Nîmes, Alias, Montpellier, Marseille, Lyon, Saint-Étienne, etc. Nous ne sommes pas en décadence (ni les sociétaires non plus, qui sont très nombreux et qui s’augmentent chaque jour).
    Je ne sais pas ce que l’on pourrait mettre à la place du compagnonnage, avec les principes de fraternité qui y sont adhérents ; il y a eu des abus déplorables de toutes sortes et de toutes parts, il fallait attribuer cela à l’ignorance ; mais à présent que l’instruction a pénétré un peu plus, et que dans chaque société on a suivi l’exemple de Perdiguier (Avignonnais-la-Vertu), compagnon menuisier, de Escole (Joli-Coeur-de-Salerne), compagnon tailleur de pierre étranger, d’Albigeois-le Bien-Aimé, compagnon charpentier du devoir, de Piron, (Vendôme-La-Clef-Des-Coeurs) compagnon mégissier, il en est tout autrement, etc. ect.
    Oui, l’on a extirpé les abus et sapé les préjugés en grande partie (quoiqu’il y ait encore à faire). Nous ne formons plus qu’une même famille, et l’on ne peut dire que le compagnonnage ne suit pas le progrès. ; tous les corps différents et les compagnons entre eux se voient avec plaisir et s’invitent réciproquement à leurs fêtes…
    Quant à notre intelligence, je crois qu’elle est aussi développée que n’importe dans quelle corporation.
    Il fut un temps où nous étions pas d’accord avec nos sociétaires, à cause du port de leurs insignes compagnonniques ; eh bien ! Chaque société a fait preuve de bon esprit depuis, et nous sommes amis et nous travaillons ensemble dans les mêmes boutiques, sans aucun esprit d’antagonisme.
    Ce fut encore ma société qui donna la première l’exemple, et qui invita, sans distinction aucune, toutes les autres sociétés à prendre des mesures qui sont plus en rapport avec la civilisation…
    Quoique compagnon, nous sommes de notre époque, et quoi qu’on en dise, hommes de progrès. »
    Vous pouvez consulter le texte complet via Google books.
    Laurent Bourcier, Picard la Fidélité C.P.R.F.A.D.

  3. Boucherès Alain a écrit:

    Remarquable travail mon cher Picard la Fidélité! Et merci pour la mémoire de ce Compagnon hors pair! Pour ceux qui se sont intéressé à l’histoire de notre corporation, nous savions tous que Limousin Bon Courage fut un véritable Frère en Devoir très dévoué! Mais nous ne savions rien de lui, ou presque…Le livre auquel j’ai participé « Les Compagnons Boulangers & Pâtissiers Du Devoir présentent l’histoire compagnonnique de leur corps d’état » en est révélateur! D’ailleurs Blois l’Ami du Travail m’avait dit un jour  » qu’elle ingratitude qu’ont eu les Compagnons boulangers à son égard » je pense qu’il voulait me dire également sa profonde solitude ressentie parfois en servant le Compagnonnage!
    Petite anedocte: je me rappelle qu’à la Cayenne de Paris il y avait le tableau « Les principes du Compagnonnage », sur lequel il était écrit son appartenance maçonnique…Les anti-maçons primaires se gargarisaient avec çà! Il était rajouté également, à créer d’urgence une Cayenne en Algérie! Ce qui démontre que Limousin Bon courage avait des idées d’avant garde! Devant une telle vie aussi bien remplie, lui aussi de ne devait pas faire que 35 heures de travail par semaine….
    Merci Picard pour ce si beau travail!

  4. Encore de l’excellent ! Je dirai même mieux : encore de l’excellent ! 😉

  5. Laurent Bonneau a écrit:

    Merci Picard pour ce beau travail de recherche sur la vie exemplaire d’un de nos anciens !!!
    NLF

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